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| Minnesota 1862, la révolte des sioux | |
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paddy
Messages : 129 Date d'inscription : 26/01/2012 Age : 64 Localisation : 78
| Sujet: Minnesota 1862, la révolte des sioux Jeu 23 Aoû - 11:56 | |
| c'était il y a 150 ans ces jours ci ... La révolte des sioux du Minnesota, 1862
Le Minnesota en 1862
En 1862, le Minnesota n'est devenu membre de l'Union américaine que depuis quatre ans. Sa population blanche s'élève à moins de 200 000 personnes (172 023 au recensement de 1860), dont un bon tiers d'émigrants européens récents, à la recherche de la terre promise et d'une vie meilleure sur un continent "neuf", mais prêts, pourtant, à défendre leur nouvelle patrie. Lorsque la guerre de sécession éclate, le gouverneur de l'état, Alexander Ramsey, est le premier à offrir des troupes au président Lincoln. La population suit Ramsey avec enthousiasme, et à l'été 1862, cinq régiments d'infanterie, une compagnie de Sharpshooters (1st USSS), trois de cavalerie et une batterie légère , soit plus de 5 000 hommes, combattent les confédérés. Après l'appel du président le 4 août réclamant 300 000 volontaires de plus, le Minnesota s'apprête à lever cinq régiments supplémentaires et, partout, retentit le tambour. Mais les événements vont appeler ces nouvelles unités à un autre combat.
Spoliation
En cet été 1862, une grande partie de l'état est à peine sorti de la "frontière", mythique limite de la civilisation aux Etats -Unis, et est encore sauvage. On compte ici et là, quelques comptoirs commerciaux, des postes militaires et surtout des villages Sioux, Chippewas et Winnebagos. Les plus nombreux sont les Sioux Santees ou Dakotas, 6 500 personnes, divisées en quatre communautés: Les Mdewkantons, les Wahpetons, les Wahpekutes et les Sissetons, tous Sioux "forestiers" cousins des Sioux Yanktons et Tetons (les Lakotas des grandes plaines). Au cours des dix années précédent la guerre civile, les Santees durent abandonner aux blancs les 9/10e de leur territoire contre des promesses généralment non tenues et le paiement d'annuités détournées, le plus souvent, au profit de spéculateurs et autres marchands, dont le futur gouverneur Ramsey lui même (mis en accusation mais innocenté par le sénat des Etats-Unis). Ce même sénat ratifia un traité signé en 1851, ou il n'était même plus question de réserve dans le territoire et les Dakotas faillirent être totalement expulsés du Minnesota. Finalement, sous la pression des défenseurs des indiens, le président Franklin Pierce intervint et les Santees furent regroupés sur une étroite bande de terre au sud-ouest, le long de la rivière Minnesota. Solution provisoire était-il précisé, en attendant leur déplacement définitif…
Les indiens n'avaient pas le choix, ils durent accepter. Deux agences furent établies pour superviser la réserve, "the Upper agency" ou "yellow medecine" pour les Wahpetons et les Sissetons, "the Lower agency" ou "Redwood creek" pour les Mdewakantons et les Wahpekutes. Fort Ridgely fut bâti en 1853, non loin de la "Lower agency" pour surveiller le tout, trois compagnies du 6th infantry y tinrent garnison.
Des missionnaires chrétiens s'efforcèrent d'évangéliser les Dakotas, et effectivement, une partie non négligeable suivra "la route des blancs" en adoptant leur religion en même temps que leur mode de vie sédentaire, leurs habitations, leurs costumes, jusqu'à leur coupe de cheveux ! Les agents du gouvernement favoriseront ces nouveaux fermiers au détriment des "traditionalistes" entendant rester fidèle au mode de vie de leurs ancêtres que l'on tentera de convaincre par tous les moyens, y compris en entravant leur droit de chasse ou en punissant les jeunes guerriers pour les inévitables raids chez les Chippewas voisins, leurs vieux ennemis.
Livrés à l'habituelle faune des marchands et aventuriers (voir même des membres du personnel du gouvernement) qui les escroquèrent et les exploitèrent sans le moindre scrupule (quand ils n'abusaient pas de leurs femmes selon le chef Big Eagle des Mdewahkantons !), les Dakotas durent également subir la pression des émigrants, principalement allemnds, scandinaves et irlandais, déferlant sur leurs terres, toujours plus nombreux. Sans aucun doute ces colons étaient de braves gens pour l'immense majorité, mais ils méprisaient profondément les indiens, qui, de leur coté, "se croyaient les hommes les plus valeureux de la terre" (chef Big Eagle). Ici, comme partout ailleurs lors de la conquête du continent américain, la rencontre de deux cultures parfaitement incompatibles et l'incompréhension mutuelle qui en résultera, encore compliquée par les agissements des mauvais sujets que compte chaque peuple, vont engendrer la tragédie. Hélas, ce sont des innocents qui en seront le plus souvent les victimes, qu'ils soient blancs ou indiens. Par exemple en 1857, après qu'un colon et son fils aient, pour des raisons obscures, assassinés une douzaine de Wahpekutes, principalement des femmes et des enfants, les indiens se vengèrent en massacrant au hasard cinquante colons ! Ce crime resté impuni provoquera un mouvement de panique généralisé chez les blancs qui réclameront le départ de tous les Sioux du territoire sans distinction, et son ouverture aux colons !
En 1858, au terme d'un nouveau traité qui voit pourtant les principaux chefs Dakotas en visite à Washington, la réserve est diminuée de toute la rive nord-est de la rivière, c'est à dire réduite de moitié ! Malgré ces avatars, les Sioux restent calmes, certes contraints et forcés par la présence de l'armée, mais également par des éléments jouant un rôle modérateur au sein de leur communauté : les "indiens aux cheveux courts" et les nombreuses familles de sang mêlés aux intérêts identiques à ceux des blancs.
Provocation ou stupidité ?
Lorsqu' éclata la guerre civile, les réguliers de Fort Ridgely furent rappelés à l'est pour combattre les sudistes, les volontaires qui les remplacèrent ne restant que peu de temps, les indiens commencèrent à penser que les choses tournaient mal pour les Etats-Unis, surtout quand on vint lever une compagnie de sang- mêlés et d'employés du gouvernement. Un bon signe selon Big Eagle, " Nous commencions à penser qu'allait venir le temps de faire la guerre aux blancs et de reprendre nos terres". Les colons considéraient pourtant de plus en plus les Santees comme des gens pacifiques et, finalement, des voisins acceptables, mais dans la réserve, les choses allaient de plus en plus mal. Les récoltes avaient été désastreuses en 1861, et en mai de l'année suivante, toutes les tribus étaient bien proches de la famine. Les Dakotas s'endettèrent énormément auprès des marchands qui profitaient de la situation. Craignant de voir les annuités du gouvernement partir directement dans les poches de ceux ci comme à l'accoutumée, les Santees commencèrent à manifester leur anxiété. Pour aggraver encore une situation explosive, le nouvel agent du gouvernement, Thomas J. Galbraith, appela des renforts de troupe (un détachement de la compagnie C du 5th Infantry vol. Rgt du lieutenant Timothy J.Sheehan) et décréta qu'il ne pouvait distribuer les provisions gouvernementales avant que ne soit réglé un problème financier qui retardait l'arrivée de l'officier payeur : les 71 000 dollars dus aux Santees seraient ils payés en or ou en billets vert cette année ? Galbraith, que l'on décrira ensuite comme arrogant, alcoolique et sans diplomatie, prétendait qu'il n'y avait là qu'un jeu d'écriture. Il semble qu'il spéculait avec Clark W.Thompson, superintendant des affaires indiennes pour l'état, et Morton Wilkinson, sénateur du Minnesota, à qui ils devaient tous deux leur position !
On comprend aisément que dans ces conditions, un parti de Sioux excédé prenne d'assaut deux entrepôts du gouvernement à l' "Upper agency" le 4 août ! L'ordre fut rétabli après que le lieutenant Sheehan ai contraint Galbraith à distribuer aux indiens une partie des denrées alimentaires. Un premier conseil eu lieu le lendemain à "Lower agency". Les marchands refusèrent de vendre des provisions aux Santees avant le paiement total des annuités ou même de leur faire crédit ! Le leader de ces marchands, Andrew J.Myrick, eut à cette occasion une parole, oh combien malheureuse : " si ils ont faim " déclara t'il " ils n'ont qu'à manger de l'herbe ou leur propre merde !" . Cette remarque fut rapportée aux indiens qui attendaient à l'extérieur le résultat de la conférence. Ils se dispersèrent sans incident, mais furieux et profondément choqués d'autant plus que Myrick , la plupart des commerçants et de leurs employés, étaient, ou bien mariés à des femmes Dakotas, ou sang- mêlés eux mêmes !!! On a pu croire pourtant que la situation était calmée le 11 août quand Galbraith, effrayé par les possibles conséquences de ses actes et des ses propos, fit enfin des promesses aux indiens, promesses qu'il "oublia" quelques jours plus tard, pensant finalement que les mécontents n'étaient qu'une poignée. Entre temps, les troupes, après avoir servies de modérateur, étaient rentrées au fort. Apparemment tout était terminé, pourtant, l'incendie à venir ne demandait qu'une étincelle pour s'allumer…
Vers l'irréparable
Cette étincelle survint le 17. Ce jour là, un dimanche, quatre jeunes Mdewhakantons qui revenaient de la chasse, décidèrent, pour jouer, de voler quelques œufs à des fermiers blancs d'Acton. Un des jeunes gens remarque que ce geste pourrait leur attirer des ennuis, les autres le traitèrent bien sûr de lâche et se montant la tête mutuellement, ils affirmèrent qu'ils n'avaient peur de rien et que si l'occasion se présentait ils tueraient même un blanc ! Que se passa t'il ensuite ? Il semble que les jeunes indiens participèrent à une sorte de compétition de tir avec des fermiers d'Acton, preuve de leurs bonnes relations, puis sans provocation apparente, voyant peut être là l'occasion de mettre à exécution leurs bravades précédentes, et peut être également un peu éméchés, ils retournèrent leurs armes contre les blancs, tuèrent trois hommes et deux femmes avant de prendre la fuite en volant des chevaux !!! Leur arrivée hurlante dans leur village et le récit de leurs "exploits" furent salués par la consternation quasi-générale. La plupart des indiens présents étaient certains maintenant que les annuités ne seraient jamais payées et que les représailles n'allaient pas tarder. Au cours de la nuit suivante, des représentants de la plupart des villages de la "Lower agency" (Skakoppe, Mankato, Bouteille Magique et Grand Aigle) se réunirent chez Little Crow qui parla longuement au cours d'un conseil plutôt houleux. Que fallait il faire maintenant ? On s'était bien gardé d'inviter les "indiens aux cheveux courts" et les sang- mêlés ! Little Crow avait, environ, 50 ans au moment des faits. Il était réputé ambitieux et corrompu et était seulement le chef d'un village Mdewhakantons. Il était aussi influent et courageux, shaman Dakota, homme sacré et doté d'un charisme certain. Pourtant, en 1862, il était plutôt en disgrâce parmi son peuple après le désastreux traité de1858, et était "sur la voix des blancs". Little Crow était allé à Washington et il connaissait la puissance des blancs, il refusa d'abord de mener toute action de guerre, avertissant les partisans de la violence qu'ils n'avaient aucune chance. Il fut violemment pris à partie, et finalement, contre son gré, accepta de prendre la tête d'un soulèvement visant à se débarrasser des blancs et reprendre leurs terres. "Braves " lança Little Crow " vous êtes des petits enfants, des fous, vous allez mourir comme des lapins chassés par des loups affamés sous la lune. Je ne suis pas un couard, je mourrai avec vous !" Little crow ne manquait ni de courage…ni de vanité, il était finalement flatté d'avoir ainsi été pressenti comme chef et il voyait là un excellent moyen de reconquérir son prestige perdu. Grand Aigle (Big Eagle) plaida ensuite la cause de la paix, mais plus personne ne l'écoutait. c'était décidé, les Santees allaient faire la guerre aux blancs !
Comment on raconte un massacre
A l'aube du 18 août, en costume de guerre, Little Crow conduisit sa colonne sur la "Lower agency" . A sept heures, les indiens attaquèrent, submergeant les maisons et criant en Dakotas "tuez les blancs ! tuez les blancs !" . Parmi les premières victimes, Myrick dont on bourra la bouche avec de l'herbe ! Vingt hommes furent assassinés au cours de l'assaut, dix femmes et enfants capturés… Dans les heures qui suivirent et dans toute la région, des bandes d'indiens déchaînés semèrent la terreur. Il peux être intéressant ici d'observer comment cette orgie de meurtres et de violences fut décrite dans les livres, selon les époques. Dans "the American civil war" publiée en 1961, E.S. Miers évoque des témoignages qui parlent "d'enfants mutilés gisant sur la prairie, de bébés au crane fracassé sur les roues des chariots, de vieux et de malades brûlés vifs dans leur lit, de femmes et de jeunes filles jetées au sol et violentées par des guerriers ivres et hurlants…" Pas de détails de ce genre dans "the Indian wars " de R M Wiley et W.E.Ashburn (1992). On ne nie pas qu'io y ait eu des atrocités, mais on les justifie comme un juste retour des choses au nom de ce que les indiens durent eux-mêmes subir. Le "politiquement correct" est passé par là ! Mais quoi qu'on en pense, il n'y a pas de "bons massacres" et le "matin rouge du Minnesota" vaut bien "Sand Creek " !!!
Soulignons que si certains indiens "civilisés" ou métis se joignirent au mouvement, la plupart refusèrent et plus d'un risqua même sa vie pour des colons blancs, les aidant à fuir ou les protégeant quand ils étaient capturés et détenus dans un village hostile. Par exemple, le docteur Thomas Williamson, médecin et missionnaire, put il fuir avec sa famille, averti à temps par des indiens amis. Big Eagle affirmera qu'il avait sauvé plusieurs amis blancs le 18 août "Je crois" dira t'il " que d'autres participèrent à l'attaque pour les mêmes raisons, presque chaque indien avait un ami qu'il ne voulait pas voir mourir , mais il ne se souciait pas des amis des autres. " Pour Dee Brown, très favorable aux indiens dans son livre "Bury my heart at Wounded Knee", le "massacre de plusieurs centaines de colons" (sans plus de détails) au nord de la rivière Minnesota le 18 août, fut le fait de bandes de jeunes pillards indisciplinés échappant totalement au contrôle des chefs , (les "mauvais sujets" évoqués plus haut). Ceci est parfaitement plausible mais n'enlève rien à l'horreur des faits.
Tragique embuscade
Un parti de recruteurs pour l'armée, désarmé, est également attaqué non loin de la localité de New Ulm. Pusieurs hommes sont tués et les rescapés rapportent la nouvelle en ville ou l'en pense d'abord que ce n'est là le fait que d'une bande d'indiens ivres. Le shérif Roos prend la tête d'un groupe de trente volontaires afin de les capturer. Rapidement, la vérité se fait jour. Des réfugiés, à pied, en voiture, à cheval, parviennent à New Ulm et se répandent dans les rues. Tous sont hagards, tous parlent de meurtres, d'incendies, de pillages, de viols … Plus de doute, la nation Santee toute entière s'est soulevée, aucun blanc n'est à l'abri, Sans aucun doute, New Ulm et Fort Ridgely vont être emportés par la vague… Et ils fuient plus loin, jusqu'à Saint Paul, à plus de 100 miles de là, entraînant avec eux plusieurs familles de la ville complètement affolées. Au même instant, d'autres réfugiés parviennent à Fort Ridgely avec les mêmes horribles histoires. La garnison du fort est composée de deux officiers et 76 hommes du 5th Minnesota infantry, company B, sous le commandement du capitaine Marsh qui n'a aucune expérience des indiens. Marsh prend 46 soldats et se rend vers l'agence Redwood. La petite troupe rencontre fermes brûlées et corps mutilés avant de tomber dans une embuscade. 25 hommes sont tués, dont le capitaine Marsh, 5 autres blessés, un seul Sioux est abattu. !
Roos, de retour à new Ulm, est épouvanté par ce qu'il a vu. Il est persuadé que la cité qui compte 900 habitants, largement d'origine allemande, va être attaquée dans les plus brefs délais. Il prépare la défense qui est placée sous la direction de Jacob Nix. On organise les hommes en milice, des barricades sont érigées et un message est envoyé au gouverneur Ramsey.
Le gouvernement réagit
C'est dans l'après-midi du 19 que Ramsey et la capitale de l'état, Saint Paul, apprennent la nouvelle du soulèvement. C'est la stupeur. 250à 350 colons ont déjà perdu la vie dans des conditions épouvantables, des hommes principalement, encore que certains jeunes braves se soient pavanés dans leurs villages avec des scalps de femmes à la ceinture, entraînant d'ailleurs une réprobation quasi-générale de la part des autres indiens. Les Santees ont capturé plusieurs centaines de blancs et de sang mêlés, essentiellement des femmes avec leurs enfants. Si elles ont été majoritairement épargnées, il est admis que de nombreuses femmes aient cependant été violées … Des milliers d'autres colons sont en fuite, en proie à la panique et la répandant partout ou ils passent, dépeuplant presque totalement vingt trois comtés de l'état ! Le gouverneur réagit immédiatement et réunit des troupes : quatre compagnies du 6th Minnesota, à peine entraînées, sous le commandement du colonel Henry Hastings Sibley, un négociant en fourrure surnommé "grand marchand" par les Sioux dont il semble avoir assez largement "profité" lui aussi. Sibley est l'adversaire politique de Ramsey, mais un vieil ami! Il se met en route pour Fort Ridgely le 20 août. Sa colonne avance lentement à la grande fureur de la presse, rencontrant des problèmes de ravitaillement et manquant de matériel et d'armes. En chemin, il ramasse six nouvelles compagnies du 6th et plusieurs milices locales qui portent ses effectifs à 1 400 hommes, tout à fait inexpérimentés pour la plupart …
Les "batailles" de Fort Ridgely
C'est le lieutenant Thomas P. Gere, qui commande maintenant la poignée d'hommes restant au fort. Il a 19 ans et aucune expérience du combat. Il envoie un messager au gouverneur pour obtenir des renforts. En chemin, le courrier (le soldat Sturgis) rencontre Galbraith et ses miliciens, les "Renville rangers" constituant la compagnie d'employés du gouvernement et de sang mêlés levée précédemment. Tous prennent aussitôt la direction du fort . Ce celui ci n'est pas un rectangle clôturé de rondins comme on le voit si souvent dans les "westerns", mais un groupe de bâtiments isolés les uns des autres autour d'une place d'arme, en bref, malgré ses quatre canons, une proie qui semble facile. Ajoutons au moins 200 réfugiés, femmes et enfants, et on comprendra l'inquiétude de Gere. Il a heureusement avec lui un soldie sergent d'ordonnance, John Jones, qui prépare la défense. Ironie du sort, la diligence transportant l'officier payeur avec l'argent des Sioux vient juste d'arriver . Trop tard ! A l'aube du 19 août, un grand nombre d'indiens menés par Little Crow, Mankato et Big Eagle, se montrent en vue du fort. Malgré l'avis des chefs, conscients de l'importance stratégique de la place, les jeunes guerriers préfèrent différer l'attaque. Trop d'hommes sont encore occupés à tuer les fermiers et à piller les environs. Ils insistent pour diriger leurs efforts d'abord sur New Ulm qui semble bien plus facile à enlever, et puis là bas, il y a des magasins à vider et des femmes à prendre , bref, de quoi "s'amuser" sans trop de risques. Une partie des indiens, dont les chefs cités plus haut, refusant d'aller attaquer des femmes et des enfants sans défense, abandonnent le combat tandis que les plus excités convergent sur New Ulm. Décision lourde de conséquences, car Gere reçoit des renforts, les 50 hommes de Sheehan d'abord puis les 50 miliciens de Galbraith. Ce sont, au soir du 19, près de 200 hommes en armes qui attendent à présent les Dakotas…
New Ulm subit donc l'attaque d'une centaine de Sioux à peine qui sont aisément repoussés après avoir tué dix sept personnes , leurs propres pertes sont inconnues. Leur première victime fut une fillette de treize ans, Emilie Pauli. De petits groupes de fermiers en armes arrivent des environs dans la journée et la nuit, dont un parti de 125 hommes menés par le juge Charles Flandrau qui prend bientôt la tête de la défense. 300 hommes armés attendent à présent un retour offensif des Dakotas. Ceux ci tiennent conseil dans la nuit du 19 au 20. .Little Crow obtient enfin que l'on attaque le fort. 400 Sioux se présentent devant le poste au matin du 20 août et l'assaillent par ses quatre cotés à la fois dans l'après -midi, après maintes tergiversations. Le combat dure plusieurs heures et est caractérisé par les efforts désordonnés des indiens. "Nous ne faisions plus attention aux chefs, chacun faisait ce qu'il voulait" raconta ensuite un guerrier qui participa à l'attaque. Après avoir vainement tenté d'incendier les bâtiments ou se pressent les réfugiés, et effrayés par le tir des canons, les Sioux se retirent finalement. Une forte pluie va tomber la nuit suivante et toute la journée du 21, donnant aux défenseurs un répit inespéré.
Les hommes de Little Crow reçoivent des renforts. Si la majorité des Sissetons et Wahpetons choisissent de rester en dehors de la révolte, 400 de leurs jeunes guerriers se joignent cependant aux rebelles dans la nuit du 21. Ses forces ainsi doublées, Little Crow décide de renouveler son attaque du fort. L'effet de surprise est manqué car des guerriers impatients abattent un courrier venant de New Ulm. Les indiens se lancent donc à l'assaut en hurlant. Plusieurs attaques sont repoussées. Des groupes de Dakotas prennent pied dans des bâtiments qui sont incendiés par les tirs d'artillerie et les en chassent. Le combat fait rage tout l'après midi. Enfin, un ultime effort est brisé par un coup meurtrier d'une pièce de 24 livres et les Sioux, démoralisés, battent en retraite. Dans les deux affaires, les défenseurs du fort ne déplorent que 6 tués et 20 blessés, on ignore les pertes coté indien. Lors d'un nouveau conseil, Little Crow décide de venger cette défaite en prenant New Ulm le lendemain. 400 hommes le suivent.
Assauts sur New Ulm
Au matin du samedi 23, les Santees se lancent à l'assaut des barricades de la ville. "les sauvages poussèrent un hurlement terrifiant et vinrent sur nous comme le vent" raconta un défenseur? D'abord paniqués, les femiers lâchent pieds et abandonnent plusieurs édifices aux assaillants, puis se ressaisissant, ils contiennent les Sioux. La bataille dure ainsi des heures, ponctuée d'avances et de replis de part et d'autre. Finalement, une dernière charge des indiens est repoussée et ceux -ci abandonnent la partie non sans une ultime démonstration le matin suivant. Trente six défenseurs ont été tués et au moins vingt trois blessés dans les deux combats pour New Ulm. Les pertes sont toujours inconnues coté indien. 190 bâtiments sont en ruines, presque toute la ville. Confinés dans les caves et les pièces les plus sûres, les femmes et les enfants présentent des signes d'épuisement. Pas crainte des risques d'épidémie, on décide de les évacuer. Le 24 août, escortées par un nouveau contingent de 150 volontaires, deux mille personnes dans 153 chariots quittent New Ulm dévastée. Malgré la peur d'une nouvelle attaque, le voyage jusqu'à la ville de Mankato, à trente miles, se déroule sans problème.
Bilan de la "semaine rouge"
Après ces derniers affrontements, les Dakotas sont épuisés et dépités. Ils se savent vaincus. "Nous pensions que le fort était la porte de la vallée jusqu'à St Paul et que si nous prenions cette porte, plus rien ne nous arrêterait de ce coté du Mississippi. " déclara Big Eagle "mais les défenseurs du fort étaient braves et ils ont tenus la porte fermée." Si on a aucune idée du nombre de Santees tombés au cours de cette "semaine sanglante", curieusement, on ignore également le chiffre exact des colons tués. Certains auteurs s'arrêtent aux 250 à 300 personnes assassinées le 18, d'autres parlent de 500, 700 ou 800 morts au total et on n'ose imaginer ce qui se serait passé sans la vaillance des défenseurs de Fort Ridgely et ceux, tous civils, de New Ulm ! La révolte des sioux du Minnesota reste, en tous cas, un des plus grands massacres commis par les indiens.
Un complot confédéré ?
On a pensé, on a même dit, dans le nord au moment de la révolte des Santees, que les confédérés étaient derrière cette affaire. Horace Greeley, éditeur du New York tribune, n'hésita pas à affirmer que des agents du sud avaient poussé les indiens à la rébellion. D'autres lui emboîtèrent le pas et la Confédération se vit accuser de fomenter une insurrection générale des indiens des plaines ! On peut affirmer qu'il n'en est rien, aucun "complot sudiste" n'a poussé les Dakotas du Minnesota à la guerre. C'est l'arrogance et la stupidité de certains blancs et les promesses non tenues qui sont causes de cette tragédie. L'apparente fragilité du gouvernement fédéral, mis en échec par les rebelles sudistes au cours du premier semestre 1862, a favorisé le désir de revanche des indiens qui avaient accumulé une belle quantité de rancœur depuis plusieurs décennies. La région se trouvant largement désertée par l'armée, tous les éléments se trouvaient réunis pour écrire une des pages les plus sanglantes, mais aussi des plus oubliées , des "Guerres Indiennes". Le 27 août 1862, Sibley et ses troupes parvenaient à Fort Ridgely. Après le temps de la révolte, allait venir celui des représailles pour les Sioux révoltés…
Repli des Sioux
Après leur ultime échec devant New Ulm le 23 août 1862, les Sioux révoltés, parfaitement au courant de la progression des troupes de Sibley, décident d'abandonner leurs villages. Les dissensions sont grandes entre les fauteurs de guerre qui, en fait, ont passé leur temps à piller, comme Shakopee ou Red Middle Voice et les soldats de la loge de Rice Creek, et ceux qui voudraient « arrêter les frais » après avoir supporté le plus dur des combats, Little Crow, Big Eagle et Mankato. Certains chefs continuent à prêcher pour la paix, c'est le cas de Wabasha, Wacouta et Traveling Hail, et il est clair que la majorité des Sissetons et des Wahpeton, menés, entre autres, par Standing Buffalo et Red Iron, ne prendront pas part à la révolte. Aucune aide non plus à attendre des Yanktons, Winnebagos et Chippewas ou même des Anglais du Canada ! Little Crow est conscient que la révolte est loin d'être générale et il sait aussi qu'il ne doit pas compter sur beaucoup de jeunes guerriers pour soutenir de véritables combats. Il ne pense pas qu'il pourra tenir seul la région de la Lower Agency et parvient à décider les rebelles de gagner la Yellow Medecine et l'Upper agency. Encombrés des fruits de leur pillage et de centaines de captifs, dans tous les équipages imaginables, les Dakotas remontent vers le Nord-Ouest en une interminable colonne bariolée. De nouveaux villages sont installés près de la Yellow Medecine mais il n'est pas question d'aller plus loin, d'ailleurs Red Iron tolère les nouveaux arrivants mais sans plus.
Escarmouche à Acton
Little Crow prend la tête de 150 hommes afin d'aller couper la route aux renforts ennemis qui se dirigeraient vers Fort Ridgely. En chemin, plus persuadé que jamais qu'il faut stopper la guerre, il dicte deux notes à son secrétaire, un métis prisonnier du nom de Joe Campbell qui sait lire et écrire. Une est destinée au gouverneur Ramsey, l'autre à Sibley. Little Crow y demande une cessation des hostilités. Avant de les expédier, il les fait lire aux guerriers. Fatale erreur, c'est un véritable tollé, les notes sont détruites et l'espoir d'un armistice sombre en même temps que le prestige du chef. Dès le lendemain, tandis qu'une partie des guerriers refuse carrément d'aller plus loin, Walker Among Sacred Stones prend la tête de la faction opposée à Little Crow qui ne dispose plus que d'une quarantaine de fidèles. Les Dakotas se trouvent alors non loin de la ville d'Acton près de laquelle sont campés 75 soldats commandés par le capitaine Richard Strout. L'accrochage à lieu le jour suivant, Strout replie ses hommes sur Hutchinson. Il a perdu cinq tués et dix-sept blessés tandis que les Indiens n'ont qu'un mort et trois blessés. Victoire des rebelles donc mais pas de Little Crow qui, après avoir laissé le commandement à White Spider, son demi-frère, a combattu comme un simple guerrier. Le 3 septembre, Hutchinson et Forest City sont attaquées et pillées, la plupart des habitants et des fermiers des environs se sont barricadés derrière des palissades hâtivement édifiées qui ne sont d'ailleurs même pas menacées par les Sioux trop occupés à incendier les maisons et les vider de leur contenu. Toutefois, quelques familles n'ont pu ou voulu, trouver refuge dans les «forts », elles vont connaître un sort funeste tels les Adams : Le mari est tué, sa femme et son bébé enlevés. Ce dernier criant trop fort, un indien lui fait éclater la tête sur un roc…De retour à Yellow Medecine, Little Crow y trouve un message de Sibley lui proposant une rencontre. Le colonel ignore que son interlocuteur n'a plus aucun pouvoir de décision.
La bataille de Birch Coulee
Pendant ces événements, la nouvelle était parvenue à Yellow Medecine que New Ulm avait été évacuée. Mankato et Big Eagle disposaient encore de 350 guerriers, sans compter les bandes, surexcitées mais sans valeur, de Shakopee et autres, ils décidèrent d'aller occuper le terrain et récupérer ce qui pouvait l'être. Parvenus sur les lieux, les Sioux s'aperçoivent vite que des blancs sont passés peu de temps auparavant. Une colonne est d'ailleurs bientôt signalée en direction de Fort Ridgely. Il s'agit des deux compagnies du capitaine Hiram Grant, chargées d'inhumer les restes des victimes des massacres du mois d'août. En effet, trois jours après son arrivée au fort, Sibley avait envoyé une expédition vers la Lower agency dans le double but de donner une sépulture décente aux centaines de cadavres jonchant la région, et également de reconnaître les mouvements des indiens. Grant reçut le commandement de la colonne qui comptait la compagnie A du 6th volunteer infantry et une compagnie de rangers montés menée par le capitaine Joseph Anderson, soit 150 soldats. Il faut y ajouter un certain nombre de civils désireux d'identifier les leurs. Au cours de son périple, Grant découvre Justina Krieger, 28 ans, survivante d'un carnage qui a coûté la vie à la quasi-totalité de treize familles douze jours auparavant. Depuis, grièvement blessée, presque sans eau ni nourriture, elle rampe vers le fort…
Ce 1er septembre 1862, alors que la plupart des civils ont préféré quitter la colonne pour faire route plus vite vers le fort, Grant fait camper sa troupe pour la nuit en un lieu nommé Birch Coulee, à 13 miles de fort Ridgely. Le site n'est pas idéal, mais aucune trace d'indiens n'ayant été repéré dans les environs, le capitaine estime qu'il ne risque pas une attaque surprise. Celle ci se prépare pourtant. Les Dakotas ont décidé d'anéantir la petite troupe, ils se divisent en deux groupes et encerclent le camp à la faveur des hautes herbes. Vers quatre heures du matin, une sentinelle repère un mouvement suspect et ouvre le feu, bientôt, la fusillade est générale. La surprise est manquée et les Sioux lancent un assaut immédiat. La confusion est totale, 350 indiens déferlent en hurlant. Du coté des soldats, en quelques instants, tous les chevaux, quatre-vingt-sept, sont abattus, 22 hommes sont tués et 60 blessés. Les 70 survivants s'abritant derrière les chariots et les cadavres des chevaux parviennent cependant à contenir puis repousser l'attaque, ils se battent à 5 contre 1… Deux Dakotas seulement ont perdu la vie à ce moment. Le «siège » va se poursuivre toute la journée puis toute la nuit. Seul espoir de Grant, que la garnison du fort ai entendu la fusillade. A fort Ridgely, on a effectivement entendu, mais la réaction est lente et timorée. Ce n'est que dans l'après-midi que Sibley envoie un détachement de 200 hommes avec deux canons à la rescousse de Grant. 50 indiens bruyants vont suffire pour stopper la colonne ! Au soir, une troisième expédition, avec un millier de soldats et deux autres pièces, quitte le fort et s'avance…prudemment, si prudemment qu'il lui faudra 8 heures pour parcourir les trois derniers miles et enfin secourir les hommes de Grant, à bout de force et de munitions. 28 heures après que l'on a perçu le bruit du combat au fort, 28 heures alors qu'une marche de cinq suffisait pour couvrir la distance ! ! ! Les Indiens se sont bien sûr évanouis dans la nature…Dans le seul chariot encore sur ses roues mais criblé de balles, Madame Krieger est toujours vivante ! (1)
Une situation qui s'éternise
A Yellow Medecine ou se sont donc repliés les Sioux, on tient conseil à propos de la lettre de Sibley. Que faut-il faire ? Se rendre, fuir, livrer Little Crow, se servir des 250 prisonniers comme des otages, les massacrer ? Autant de points de vue qui comptent des partisans parmi les rebelles et les divisent encore d'avantage. Finalement, une note de réponse est adressée au colonel, elle tente d'expliquer les raisons de la révolte et se termine sur une menace voilée quant au sort des prisonniers détenus par les Dakotas. Des femmes et des enfants pour la plupart, rappelons-le. Sibley ne bouge toujours pas de fort Ridgely. Il a maintenant 1 619 hommes, deux fois plus que ses ennemis ne peuvent en aligner. Chaque jour qui passe augmente l'angoisse des prisonniers qui s'attendent à être exterminés à tout instant. Les Indiens s'amusent de leurs craintes et ridiculisent «les blancs qui ne font rien pour secourir leurs épouses et leurs enfants ». Au cours de la première quinzaine de septembre, les échanges de courrier se poursuivent entre les Sioux et le fort, Sibley n'ose rien entreprendre de peur de causer la mort des otages, il va avant tout tenter d'obtenir leur libération, du moins justifiera t'il ainsi son inaction depuis la bataille de Birch Coulee. Le 15 septembre, des chefs chrétiens qui veulent la paix, avertissent Sibley que par deux fois, les plus extrémistes des révoltés ont voté la mort des prisonniers et que chaque minute qui passe diminue leurs chances de survie. La situation semble inextricable.
Victoire à Wood Lake
Enfin, le 18 septembre, le colonel Sibley, à la tête de ses troupes quitte fort Ridgely pour Yellow Medecine. 40 miles séparent ces deux points, une route que même un convoi de chariots couvre aisément en une journée. Il en faudra pourtant quatre aux soldats pour parvenir à 4 miles des campements indiens près de Wood Lake ! Ceux-ci se concertent aussitôt et décident d'attaquer le camp de Sibley au matin du 23. La surprise devra jouer à fond et faire la décision. Malheureusement pour les Dakotas, un hasard va contrarier leur plan. Vers 7 heures ce 23 septembre, une douzaine de soldats quittent le camp pour une expédition de ravitaillement clandestine. Ce sont des gars du 3rd Minnesota volunteer, celui la même qui s'est rendu aux confédérés de Forrest à Murfreesboro (Tennessee) le 13 juillet précédent. Libéré sur parole, le régiment ne devait plus combattre les sudistes, alors on l'a envoyé contre les Indiens, mais le moral et la discipline n'y sont plus. Accidentellement, donc, le petit groupe trébuche littéralement sur des Sioux dissimulés dans les herbes. Découverts, ceux ci ouvrent le feu. Ces premiers tirs alertent les uns et les autres et la bataille de Wood Lake s'engage, par hasard. Les hommes des deux camps y prennent part par petits groupes, les uns après les autres. Pas plus de 300 guerriers, sur les 750 présents dans les environs y participent et un tiers seulement des 1 500 soldats de Sibley. Impressionnés par le nombre des blancs et leurs canons, les Sioux rompent le combat. Sept soldats sont morts, 35 blessés. Du coté des indiens, le chef Mankato est tombé ainsi qu'une quinzaine de braves, ils seront scalpés et on accusera, sans preuve, les sang-mêlé qui se trouvent avec Sibley, de ce forfait. 50 Sioux ont été blessés et un capturé. Restant maître du terrain avec des pertes bien inférieures, Sibley peut être considéré comme le vainqueur de l'affrontement. Six jours plus tard, il sera d'ailleurs promu brigadier général pour ce «brillant fait d'armes »…
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| | | paddy
Messages : 129 Date d'inscription : 26/01/2012 Age : 64 Localisation : 78
| Sujet: Re: Minnesota 1862, la révolte des sioux Jeu 23 Aoû - 12:04 | |
| Libération !
Pour les rebelles, il est maintenant clair que la guerre contre les blancs est perdue. Les prisonniers seront pourtant épargnés, leur sauvegarde peut être un gage de sécurité pour les Sioux qui se rendront. Mais telle n'est pas l'intention d'un grand nombre. Dès le lendemain de la bataille de Wood Lake, Little Crow et les siens, dont plus d'une centaine de guerriers, prennent la direction du nord. Shakopee en fait autant avec plus de monde encore, la plupart de ceux qui ont commis les pires atrocités sont en fuite. Big Eagle, Wabasha, les chefs chrétiens, restent sur place avec Red Iron qui garde les prisonniers qui ont été regroupés. Wabasha envoie un sang-mêlé auprès de Sibley : les captifs l'attendent dans son camp. Il faudra deux jours pour que le colonel se décide à faire le chemin, toujours en se justifiant sur la possibilité d'un éventuel massacre. Enfin, le 26 septembre, la colonne de secours fait son entrée dans le camp indien, drapeaux au vent, au son des fifres et tambours, et libère 91 blancs et 150 sang-mêlé (dans les jours qui suivent, 200 autres seront délivrés). Les soldats rebaptisent le campement qui prend le nom de «camp release » (camp de libération). Les captifs ont réservé un accueil triomphal aux soldats, mais sont dans un bien triste état, épuisés, affamés, a demi vêtus. A l'exception des sang-mêlé, il n'y a que des femmes avec leurs enfants, un seul homme blanc adulte parmi eux George Spencer. Celui ci témoignera qu'à de rares exceptions (plusieurs prisonnières furent effectivement protégées des violences des autres par leurs gardiens), les femmes furent soumises "au plus horrible traitement". Ainsi il était fréquent qu'un groupe de guerriers en saisisse une, et, l'entraînant dans les bois, la viole à tour de rôle…
Il arrive aussi que l'amour emprunte des chemins étranges, au moment de sa libération, une des prisonnières blanches refusa de quitter le guerrier qui l'avait pris pour femme, menaçant quiconque oserait s'en prendre à lui, «un beau spécimen de femme blanche, assurément » écrivit Sibley, parfaitement indigné par cette conduite inqualifiable ! ! !
Le temps du châtiment
Sibley s'installe à «camp release ». Son objectif est double, saisir tous les Dakotas qu'il pourra capturer et pendre les plus coupables. Evidemment, ceux qui espéraient qu'en restant ils seraient amnistiés prennent peur et s'empressent de déguerpir dans toutes les directions ! Ceux qui se sont rendus, ou que l'on va attraper dans les semaines qui suivent, sont désarmés, enchaînés par paire et parqués avec femmes et enfants dans des camps gardés par la troupe. Sibley ne fait pas de détail et ramasse tous les Dakotas des environs, même ceux qui n'ont pris aucune part à la révolte. Bientôt, «camp release » devient une véritable «ville » peuplée de 1 600 soldats et de plus de 2 000 indiens dont 600 hommes. La plupart des captifs libérés ont pris la route de fort Ridgely, mais on a pris soin de garder les femmes qui pourraient utilement témoigner contre leurs ravisseurs.
Le 28 septembre, Sibley a institué une commission militaire qui tient de la court-martiale et du tribunal militaire. Le révérend Stephen Riggs va interroger les ex-prisonnières sur les violences qu'elles ont subies et les meurtres dont elles ont été témoins. Ses rapports vont constituer l'essentiel des charges qui pourront être retenues contre les coupables désignés. Les Indiens admettent volontiers leur présence dans les différentes batailles, mais il s'avère plus difficile de trouver les coupables des meurtres ou des viols. Au début de «l'instruction » Sibley entend faire pendre tous ceux qui se seront révélés coupable de quelque chose, affrontements compris. Pope le soutient pleinement, «il est dans mon intention d'exterminer les Sioux, ils doivent être traités comme des maniaques et des bêtes sauvages » précise t'il à Sibley. Le 7 octobre, ce dernier se trouve déjà avec plus d'une centaine de condamnés à mort ce qui commence tout de même à faire beaucoup. Sibley et Pope, demandent de nouvelles instructions à Washington.
L'hiver approchant, le tribunal est suspendu et le camp déplacé sur la Lower Agency ou les jugements reprennent. Entre le 25 octobre et le 5 novembre, 272 cas sont examinés. Au total, ce sont maintenant 306 hommes qui doivent être pendus ! Sibley communique la liste à Pope qui l'adresse à Washington. Il annonce dans le même temps au gouverneur Ramsey «les Sioux prisonniers seront exécutés à moins que le président ne s'y oppose ce qu'il ne fera pas j'en suis sûr ». Mais justement, Lincoln n'a pas l'intention d'approuver sans en savoir plus «envoyez-moi dès que possible des détails sur les culpabilités » télégraphie t-il au général. Pope s'indigne et proteste «la seule distinction qui puisse être faite parmi les coupables, c'est de savoir lesquels ont assassiné le plus de gens ou violé le plus de jeunes filles. Les criminels condamnés doivent être exécutés sans exception ! ». Il promet toutefois d'envoyer les détails demandés. Lincoln va faire une nette distinction entre les véritables criminels et ceux qui n'ont fait que se battre les armes à la main. Comment pourrait-il se permettre une exécution en masse de plus de 300 hommes, même s'il s'agit d'indiens ?
Les Dakotas reconnus innocents, près de 1 700 personnes, dont un sur dix seulement est un homme, sont escortés vers fort Snelling près de Minneapolis ou ils seront installés. La colonne doit traverser Henderson ou des centaines de personnes, armées de tout ce qu'elles ont pu trouver, se massent sur son passage. Dès que les Indiens commencent à traverser la ville, les gens se ruent sur eux, bousculant les gardes. On compte de nombreux blessés et un enfant, arraché à sa mère, succombera quelques heures plus tard, son corps sera suspendu à un arbre !
Les condamnés sont eux menés dans un camp, «camp Lincoln », près de Mankato, mais New Ulm, repeuplé, est sur le chemin. Une autre émeute a lieu, quinze prisonniers et plusieurs soldats sont blessés. « Ces diablesses d'Allemandes sont de vraies tigresses » écrit Sibley à son épouse, les femmes de la ville, armées de ciseaux, de couteaux, de pierres…s'étant en effet montrées particulièrement agressives au cours de la traversée.
Lincoln doit maintenant faire face à deux pressions contradictoires. L'une vient de l'Ouest, incarnée par le gouverneur Ramsey et Pope. Ils réclament la mort de tous les condamnés, brandissant la menace de représailles aveugles exercées par la population au détriment de n'importe quel indien, (surtout les innocents de Fort Snelling) et les événements d'Hutchinson et New Ulm semblent leur donner raison. L'autre provient de l'Est, émanant des amis des indiens (ils sont nombreux dans ces régions ou l'indien n'est plus qu'un lointain souvenir), des opposants à la peine de mort et de tous ceux qui considèrent les Dakotas d'abord comme des prisonniers de guerre.
Le 5 décembre, Lincoln annonce au sénat les résultats des enquêtes complémentaires qu'il a lui-même ordonnées. 40 seulement des condamnés de fort Lincoln peuvent être reconnus coupables de meurtre et deux de viol, les autres ne furent que des combattants. En conséquence, seuls ces 42 hommes devront être pendus. En réalité, 39 selon la liste que le président envoie le 6.
Arrêtons-nous un instant. Certains auteurs, s'appuyant sur ces faits, ont prétendu que finalement, on n'avait pas grand chose à reprocher aux rebelles. Que même ces 42 cas reposaient parfois sur de bien faibles présomptions et que par conséquent, on avait grandement exagéré les crimes des indiens. Une simple explication à cela, on ne tient pas les bons coupables ou plutôt, on en détient seulement une poignée. Les responsables des centaines de meurtres et de viols qui ont véritablement eu lieu n'ont pas attendu pour se rendre sagement, ils ont fui le plus loin et le plus vite possible et se sont dispersés dans toutes les directions. Les tueurs d'Acton qui ont déclenché la guerre ne sont pas là, ni Shakopee et ses guerriers, ni ceux qui ont razzié les fermes et massacrés à tour de bras pendant que leurs frères se battaient à fort Ridgely et New Ulm…Il est raisonnable de penser que la liste de Lincoln ne comporte pas plus de dix pour cent du total des assassins et des violeurs…
L'exécution de ceux qui vont finalement payer pour beaucoup d'autres est fixée au vendredi 26 décembre 1862 à Mankato. Les trente huit condamnés, il y a eut un sursis, sont conduits vers le lieu de la pendaison. 1 400 soldats forment un cordon entre eux et les milliers de curieux venus voir le spectacle. On recouvre la tête des indiens d'une cagoule, le provost-marshal actionne le levier…trente huit corps se balancent entre ciel et terre. Parmi eux, un seul nom notable, Cut Nose, qui se vantait d'avoir massacré 27 personnes et fut formellement accusé d'au moins un viol et un assassinat. Son squelette, nettoyé et articulé servira la médecine !
Le destin des rescapés
Et tous ceux qui se sont enfuis, que sont-ils devenus ? Little Crow va s'efforcer de prêcher la révolte aux tribus désunies du Nord Ouest mais sans succès, il ira même jusqu'au Canada demander l'alliance anglaise au nom des anciennes amitiés de la guerre de 1812. Les autorités lui répondront que sa place n'est pas là et qu'il n'a rien à attendre du gouvernement britannique. Le 3 juillet 1863 enfin, il est abattu par le fils d'un fermier alors qu'il tentait de voler des chevaux près d'Hutchinson au Minnesota. Ce même jour, l'Union et la Confédération toutes entières avaient les yeux fixés sur un petit village de Pennsylvanie, Gettysburg…
Red Middle Voice et les siens sont exterminés par une bande de Chippewas, les vieux ennemis des Dakotas, alors qu'ils s'étaient réfugiés au Canada. Plus chanceux, Shakopee et ses hommes, et au moins 800 Sioux franchissent la frontière et se répandent dans les territoires du Nord Ouest Canadien. Shakopee et Medecine Bottle seront un peu plus tard capturés (on peut dire kidnappés !) par des sujets de sa majesté fort intéressés par la récompense promise par les Américains. Envoyés à fort Snelling ils ne seront pendus qu'en novembre 1865…faute de preuves suffisamment éloquentes ! Quant à ceux qui n'ont pas pris la route du nord, ils franchissent le Missouri et se perdent parmi les tribus des grandes plaines. Quelle fut leur influence sur la suite des événements et les futures révoltes ? Certains seront présents lors de la bataille de la Little Big Horn en 1876…
La fin des hostilités, ou le commencement ?
En février et mars 1863, afin de calmer l'hystérie anti-indienne des populations, le congrès des Etats-Unis annule tous les traités passés avec les Indiens de la région, supprime leurs annuités et les réserves et ordonne leur bannissement de l'état du Minnesota. Au printemps, les Sioux de fort Snelling et les autres, comme les Winnebagos qui n'ont pris aucune part à la révolte, sont déportés dans le Dakota. Les conditions de vie y sont épouvantables, les Winnebagos passent au Nebraska. Les Sioux restant seront, un peu plus tard, autorisés à descendre vers le sud.
La guerre n'est pas terminée. Le général Pope a rassemblé 8 000 hommes sur la frontière du Minnesota, dont la moitié placés sous le commandement du général Sully, afin de garantir définitivement la sécurité des colons mais il n'y parvient que très imparfaitement. Si quelques escarmouches l'opposent aux indiens dans le territoire voisin du Dakota (2) à Big Mound le 24 juillet 1863, Dead Buffalo Lake le 26 et Stony Lake le 28, de petits bandes insaisissables continuent à faire régner la terreur, à tuer des hommes, égorger leurs enfants et violenter leurs femmes. Rien qu'au printemps 1863, plus de trente colons sont assassinés dans la zone de la révolte d'août de l'année précédente et ces crimes se poursuivront au cours de l'été.
Le 3 septembre, le général Sully remporte un succès plus important à Whitestone Hill, tuant 300 Sioux et en capturant 250 (en majorité des femmes et des enfants) au prix de 17 morts et 38 blessés. La campagne de l'année suivante voit une nouvelle victoire de Sully à Killdeer Mountain le 28 juillet. Si la grande révolte des Sioux du Minnesota a pris fin, elle ne constitue que le prélude à la série de luttes qui vont opposer blancs et indiens et ensanglanter les plaines de l'Ouest pratiquement jusqu'à la fin du siècle.
Combien de morts ?
Alors, combien de personnes ont-elles trouvé la mort au cours de cet été meurtrier ? 1 500 dit la féministe Jane Swissheim en 1865. Un millier rapporte le sénateur Wilkinson à Lincoln qui lui-même fit une estimation d'environ 800 tués. L'agent Thomas Galbraith qui se livra à une étude très approfondie sur les lieux, parvint au chiffre de 644 civils et 93 militaires soit un total de 737 mais il avouait «il y en a certainement d'avantage, j'en suis persuadé ». En fait, on ne le saura jamais, parce que des milliers de gens se sont enfuis pour ne jamais revenir, remplacés plus tard par des milliers d'autres qui n'étaient pas là en 1862 (3). Même si on sait approximativement combien de fermes ont brûlé, on ignore généralement la composition des familles qui les occupaient. Si de nombreuses tombes ont été répertoriées, beaucoup ont disparues, on ne sait pas ce qu'elles contiennent. Combien de cadavres qui n'ont jamais été retrouvés et, sans sépultures, se sont décomposés dans la prairie ? Combien de personnes qui ont brûlé avec leurs maisons ? Autant de questions sans réponse qui rendent impossible tout décompte global.
Réflexions sur la révolte du Minnesota, Un chapitre oublié des «guerres indiennes »
On peut se demander pourquoi la révolte des Sioux du Minnesota est si peu connue dans l'histoire américaine et particulièrement dans celle des guerres indiennes. A l'époque même, elle n'attira pratiquement aucune attention. Il y a plusieurs raisons à ce phénomène. Au moment ou se déroulent les événements du Minnesota, la guerre de sécession prend une nouvelle tournure à l'est. La grande invasion de la Virginie par McClellan qui devait prendre Richmond a tourné court (campagne de la Péninsule) et à la fin du mois d'août, c'est Lee qui prend l'initiative et entame une campagne qui va le conduire à la seconde bataille de Manassas ou il va défaire Pope tandis que Bragg lance l'offensive au Kentucky et dans le Tennessee. A Washington et dans le nord tout entier, on a bien d'autres soucis que cette révolte d'indiens sur la frontière.
La violence et la cruauté du soulèvement le rendent également incompréhensibles aux yeux du public yankee. Six mois après la fin de la révolte, une féministe notoire, Jane G. Swissheim, dans une tournée de conférences, proclame «on ne peut croire à la véracité des outrages commis. Le public ne croit pas et ne croira jamais qu'une bande de sauvages a pu se livrer à de telles atrocités sur la population d'un état civilisé » ! Il faut dire que la dite population n'intéresse en fait pas grand monde. Il s'agit, pour l'immense majorité, d'émigrants de fraîche date, venant de Norvège, Allemagne, Suède ou Suisse, sans relation aux Etats Unis et dont beaucoup même ne parlent que peu ou pas du tout l'anglais. Qui, à part des familles vivant à des milliers de kilomètres de là, va se soucier du sort des Zimmerman ou des Schwandt, des Swenson ou des Palmer ?
La région souffre de plus d'un manque cruel de communication. Le télégraphe ne va que jusqu'à St Paul, et ce, depuis peu. Aucune agence de presse n'a de correspondant dans les parages et d'ailleurs, les quatre quotidiens qui paraissent dans l'état sont centralisés à St Paul. Les rares journalistes locaux sont mal informés par des rumeurs incontrôlables et leur attention est de toutes façons occupée par les événements de l'Est…Quand les réfugiés, hagards, parviennent, souvent dans un anglais très approximatif, à raconter les scènes d'horreur auxquelles ils ont assisté, la population reste incrédule. Pope, le vaincu du 2nd Bull Run, qui va prendre le commandement du département du Nord-Ouest pour combattre les Indiens et superviser Sibley, est un général discrédité qu'on expédie «dans l'Ouest » parce qu'il a échoué ailleurs et qu'il y est encore populaire, mais à part Lincoln, qui lui accorde encore sa confiance, son action n'intéresse pas vraiment le public. Dans le même temps en effet, Lee entre au Maryland et l'armée de Virginie du Nord et celle du Potomac se livrent un combat titanesque à Antietam le 17 septembre 1862.
La révolte des Sioux du Minnesota fait, à l'époque déjà, figure d'incident négligeable et elle va rapidement tomber dans l'oubli, un oubli encore plus total de nos jours ou, par un bien curieux phénomène, les «méchants » d'hier sont devenus les «gentils » d'aujourd'hui. Situation renversée donc mais tout aussi excessive qu'auparavant. Comme toujours et partout, aucun camp n'a jamais le monopole des imbéciles ou des martyrs, des salauds ou des gens de bien, et la révolte de 1862 ne fait pas exception à cette règle. Les innocents massacrés au Minnesota ont le grand tort d'appartenir au camp des «colons », c'est à dire, des auteurs du fameux "génocide des indiens d'Amérique". Ils n'étaient, d'ailleurs, pas les premiers à se faire ainsi égorger et il y en aura encore d'autres car l'histoire de la conquête du continent est aussi bien fournie en tueries commises par les Indiens que par les blancs, il n'est pas inutile de le rappeler. Donc tant pis pour eux n'hésitent pas à dire certains, car aujourd'hui, seuls les Indiens peuvent prétendre au statut de victimes, leurs actes sont justifiés pour la "défense de leur terre et de leur foyer" et leurs crimes absous pour les mêmes raisons, et malheur à qui osera soutenir le contraire …!!!
Patrick Ailliot
Notes :
(1) Mrs Kreiger survivra et deux mois après la bataille de Birch Coulee, elle épousera John Jacob Meyer, qui avait perdu femme et enfants dans la révolte. (2) La révolte d'août 62 avait eu des répercussions au Dakota tout proche, causant une panique générale. De petits groupes de maraudeurs indiens y avaient effectivement commis des déprédations et causés la mort de plusieurs personnes. Vers l'Est, le gouverneur du Wisconsin dut également faire face à un mouvement de panique de la population du sud-ouest de l'état bordant les frontières du Minnesota. (3) La région de la révolte, complètement dévastée et pratiquement désertée mettra presque deux ans pour connaître à nouveau une situation à peu près normale, mais sans les Dakotas !
Sources :
« The great Sioux Uprising » C. M Oehler
« The western territories in the civil war » Leroy H Fisher editor
« The civil war in the american west » Alvin M. Josephy, jr
« War on the frontier, the trans Mississippi west » Time Life serie
« Bury my heart at Wounded Knee » Dee Brown
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